reiko et ses costumes


                                    http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9D05E4DD1E3CF931A35750C0A9659C8B63 

 

                                  

 

Amy Sue Rosen et moi

 

 

Mon fabuleux travail avec Amy Sue Rosen & Derek Bernstein, une des compagnies de danse contemporaine les plus connues à N.Y, a commencé en 1994 et s’est achevé dramatiquement en 2002 quand Amy Sue Rosen, la chorégraphe est morte d’un cancer.

 

Derek Bernstein, son mari, a perdu sa femme, ainsi que la scène, sa chorégraphe, sa compagnie, et son espoir. Moi, j’ai perdu mon obsession pour ce métier, styliste de costume.

 

Amy Sue Rosen était ma cliente la plus difficile. Dans ses répétitions, elle criait après toute l’équipe quand ce qu’elle voyait ne correspondait pas à l’image idéale qu’elle s’en faisait. Par contre le travail avec elle était un enchantement. Elle était remarquable pour vous faire découvrir vos talents cachés. Elle m’a fait découvrir les miens.

 

Les réunions « brainstorming » étaient aussi mémorables. C’était spontané, il y avait du thé, un dîner parfois, et ça commençait avec Derek et moi. Il n’y avait pas d’explication logique pour le nouveau spectacle. Il apparaissait comme un poème, un jeu de mots, ou un haïku. Il semblait que trois attardés ouvraient leurs têtes et montraient leurs idées dans une langue bizarre. C’était un monde d’imagination artistique. Pour moi, un paradis  inoubliable.

 

J’ai rencontré Amy Sue Rosen en 1994. Elle était déjà connue  dans la cadre du « off Broadway  » et les articles sur ses spectacles étaient partout dans les média, spécialement dans The New York Times.

 

Moi, j’avais fini des études au Fashion Institute of Technology à N.Y. et je travaillais comme étalagiste-décoratrice. Je rêvais d’être styliste de costume pour le théâtre mais je n’avais plus de réseau.  J’avais suivi certains cours de costume design au F.I.T mais je n’avais pas de compétence particulière pour la couture. Pour acquérir cette compétence et des réseaux, j’ai fait le plan d’aller dans une autre université. Pour ça, j’avais besoin d’argent et je me suis mise à travailler.

 

Un coup de téléphone de mon ex-professeur de costume design a changé ma vie. Elle me dit que la compagnie Amy Sue Rosen & Direk Bernstein cherchait un styliste de costume et elle voulait lui donner mon nom et mon contact. Parmi plein de diplômés j’étais la meilleure ; en outre mon style convenait bien au style de cette compagnie.

 

Voilà, j’ai rencontré Amy Sue Rosen une journée de samedi en 1994. Amy et Derek possédaient un appartement immense dans Soho avec beaucoup d’espace pour les répétitions.  Sa vie artistique se mélangeait à sa vie quotidienne. A côté de  l’espace pour les répétitions, il y avait une cuisine, une salle à manger et un salon avec ses trois enfantes et son chien qui couraient autour de nous.

 

La question qui m’avait fait peur, ce fut Derek qui la posa pendant qu’Amy était occupée avec ses enfants. :

« Reiko, j’aime beaucoup votre portfolio. Vous êtes capable de coudre ? » 

 

Mes lèvres dirent un mensonge parfait. Sans aucune hésitation je lui ai dit : « Oui, bien sûr, je suis capable de coudre mais je ne suis pas spécialiste, donc je vais vous offrir qu’une de mes amies et moi travaillons ensemble sur vos costumes. »

J’ai téléphoné à une amie pour lui demander de m’aider et tout de suite j’ai acheté une machine à coudre. C’est ainsi que j’ai réalisé mes premiers costumes pour « Sugarlea » qui étaient fabriqués à base de fibres en sucrerie que les danseurs mangeaient au cours de la performance.  C’est ainsi qu’une parfaite amatrice est devenue styliste de costume et fut citée dans des articles des journaux.

 

Le succès des costumes pour Amy me rapporta d’autres clients.  J’ai créé ses costumes pour toutes les nouvelles productions, c’est-à-dire huit en huit ans. Mais aux États-Unis, les gens aimaient voir les matchs basket et les stars à la télé, pas tellement de la danse contemporaine. Bush avait été élu et avait saboté les aides financières aux arts. Et moi, je commençais à penser à déménager à Paris.

 

En 2000, on a fini la production de « One Magnificent Gesture  »  Beaucoup de succès pour les costumes. Au cours de cette production, on s’est énormément disputées et honnêtement dans mon cœur, j’ai dit « Go to Hell Amy ! » mais, résultat : on créait ensemble un spectacle qui donne du bonheur vrai.   Amy m’a approché et m’a dit : « Reiko ne pars pas à Paris. J’ai beaucoup de projets avec toi. Je crois en toi. » Elle a ajouté : «  J’ai attrapé un cancer grave. »

Dès lors, nous travaillions  pour 2 productions. Sa situation de santé est devenue visiblement sérieuse et elle n’avait plus assez d’énergie, donc elle ne criait plus après personne. Par contre elle criait parfois à cause de la douleur. On a réalisé « abandoning hope ». Quand elle abandonna tout espoir face au cancer, nous avons joué ses funérailles sur scène. Nous avons ainsi montré la nudité de la mort.

Pour notre dernière collaboration « Break / Broke » on a fait la réunion « brainstorming  ». Ce fut un grand bonheur et ça m’a menée là où je n’avais jamais été invitée. Cette production a obtenu le prix Bessie 2003 DTW.  C’est vraiment dommage, elle n’était pas là quand on l’a obtenu. Elle est partie définitivement, au troisième jour de spectacle.

Pendant la réunion, j’ai offert un traitement spécial que j'avais inventé et qui donne au tissu la texture du papier. J'avais trouvé cet effet par hasard quand je travaillais pour une autre cliente.  Les costumes qui créent des effets sonores.

 

Au cours de la production, elle n’a pu venir à aucune répétition. Mais on travaillait. Les danseurs chorégraphiaient et moi je décidais des détails des costumes sans avoir à lui demander son avis. Non, en fait elle était toujours avec moi dans mon rêve. Je crois que nos esprits sont capables de communiquer dans des situations d'urgence. Sans fils ni Internet, Amy était d’accord avec mes décisions. Sur une blouse de laboratoire, j’ai créé des costume transparents avec des pansements jaunes aux genoux. 

J’étais heureuse qu’elle puisse venir voir notre création lors de la « première » avec un fauteuil roulant, un ballon d’oxygène et 2  infirmières. Elle semblait non humaine. Mais ses grands yeux se sont ouverts grâce à sa volonté. Elle a vu ce spectacle, Derek m’a dit. Après le spectacle je l’ai approché doucement. Elle m’a embrassé faiblement et chuchoté à mon oreille avec un vague sourire ; « Tes costumes sont fabuleux. »  Ça m’a touché énormément en même temps que ma motivation pour cette carrière s’est gelée.

 

5 ans ont passé. Mon hibernation est presque finie. Mais de temps en temps, j’appelle Amy. Je ne comprends pas encore pourquoi elle est morte.  Come home Amy. Please. 

 

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